La mise en images de sa vie avant et après une chirurgie de l’obésité. C’est le sens du projet Apprivoise mené par la psychologue Isabel Urdapilleta et la photographe Marie Manecy auprès d’une quarantaine de patients réunionnais. Présentation.

Isabel Urdapilleta, votre approche est-elle artistique ou scientifique ? 

Les deux. Nous proposons à des usagers, opérés de chirurgie de l’obésité entre 10 et 20 mois avant la date de ce programme, de participer à un projet artistique et d’en évaluer les effets. Le projet artistique mené par l’artiste Marie Manecy dure 4 mois à raison d’une séance par semaine et vise à permettre aux usagers d’Apprivoiser leur nouvelle vie, leur niveau corps, leur nouvelle identité. Il se déroule à la clinique Omega au Port, au CHU de St Pierre et au GHER de St Benoît. Tous les acteurs travaillent en partenariat. L’aboutissement sera une exposition de photographies, préparée et menée par les usagers eux-mêmes, à partir d’avril 2025. 

Que révèlent ces photographies ? 

C’est la mise en images d’un rêve ou d’un souhait simple, comme s’approprier son nouveau corps devant mon miroir, intégrer sa féminité retrouvée dans le regard des autres. L’objectif de Marie est d’aider les gens à aller de l’avant. Pour certains, c’est accepter leur changement physique, retrouver du temps pour soi, ou prendre la décision de quitter un conjoint pour entamer une nouvelle vie. 

Quelle approche avez-vous adopté pour susciter l’adhésion des patients ?

Je leur expliqué que je souhaite être leur voix, celle qui témoigne de leur vécu. Ils/elles ont tous quelque chose à dire, une expérience à raconter. L’obésité est bien souvent trop souvent vue comme la propre faute d’une personne qui « mange trop », « ne se maitrise pas », « manque de volonté », etc. Les usagers souhaitent apporter un éclairage différent et relater leur parcours de vie. Ceux qui participent aussi au projet artistique se sentent prêts pour ce programme innovant.

Ce projet intègre également un volet recherche. Quelle est sa finalité ? 

Le projet scientifique vise à mesurer les effets du programme artistique, les processus de changement de regard sur soi et sur sa vie. La première partie du programme vient de se terminer et une quarantaine de personnes, dont une partie suivie à la Clinique Omega, y ont participé. Leurs témoignages ont été recueillis lors d’entretiens. Ils seront analysés avec des méthodes d’analyses lexicographiques et de contenu thématique. Ces personnes seront aussi revues en avril 2025, après le programme artistique qu’elles ont entamé. Le Fonds de Dotation Philancia finance la partie scientifique qui permettra de mettre en avant les effets bénéfiques de l’art en santé, et plus précisément de la photographie sur des patients qui, après une perte de poids massive, doivent redécouvrir leur nouvelle vie, leur nouveau soi.

 Quels sont les aspects marquants qui ressortent des témoignages recueillis ?   

Les patients racontent des histoires de vies poignantes, des incidents ou accidents, des épreuves qui souvent sont liées à la prise de poids. La qualité de la prise en charge avant et après chirurgie semble primordiale mais la reconstruction de sa vie, le fait d’accepter ce nouveau corps, cette nouvelle identité restent des problématiques actuelles chez bon nombre d’usagers que nous avons rencontrés. La nécessité d’avoir un temps pour soi, de se reconstruire, d’aller vers un ailleurs par l’art semble importante. Il s‘agit d’Apprivoiser cette nouvelle vie.

Le volet artistique du projet. Des patientes de la Clinique Oméga posent devant l’objectif de l’artiste-photographe Marie Mannecy.