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Détecter et agir contre l’obésité génétique
Trois questions au Dr Julie Gonneau, médecin nutritionniste à la Clinique Omega
Quelle est la situation épidémiologique de l’obésité à La Réunion ?
Dans notre environnement, l’obésité touche 15 à 17 % d’une population de 900 000 personnes, selon une étude de 2019. Elle est donc importante et inquiétante. Elle touche particulièrement les plus jeunes et les femmes, avec des comorbidités associées difficiles à traiter. Les hospitalisations sont plus fréquentes que pour le reste de la population. Notons que les coûts des soins et des prises en charge sont élevés et que l’obésité entraine aussi des problèmes de précarité et des difficultés d’intégration dans la vie sociale et professionnelle.
En quoi cette situation doit alerter la communauté médicale ?
Il nous faut sensibiliser les médecins et les soignants, en notant toutefois que l’obésité n’est pas une maladie de longue durée (ALD). Cette pathologie chronique n’est pas assez reconnue, même si la crise du COVID a bien mis en évidence les conséquences parfois très graves de l’obésité. En tout cas, il y a une nécessité d’agir, de mieux prévenir ces pathologies métaboliques et d’engager une prise de conscience de l’ensemble des parties prenantes. Nous avons aussi à prendre en compte que, à La Réunion, l’obésité est une maladie du développement économique. Elle est liée au rattrapage économique et social que l’île a connu à partir des années 1970. Et de ce fait, elle n’est pas assez vue ou vécue comme une pathologie. Jusqu’à récemment, elle pouvait même être vue comme un marqueur de réussite économique et sociale.
Quelle serait la part des causes génétiques et quel est le sens de l’étude que vous menez entre la clinique Oméga de l’île de la Réunion et l’AP-HP ?
5 % des obésités sont génétiques et 95% relèvent d’obésité commune. Nous étudions les obésités génétiques familiales quand l’IMC est élevé (Indice de Masse Corporelle), associé parfois à un échec de la chirurgie bariatrique, lorsque l’obésité a débuté dans l’enfance (avant l’âge de 6 ans) et quand il y a des antécédents familiaux. Cette situation est liée à des mutations génétiques qui sont plus fréquentes à La Réunion que dans le reste du monde, certaines étant même exclusives à la population locale. Ces patients réunionnais présentent des altérations génétiques empêchant de ressentir la sensation de satiété. Cette particularité rend les traitements conventionnels contre l’obésité inefficaces. En général, les traitements chirurgicaux ne fonctionnent pas.
Ces obésités dites monogéniques engagent les gènes de la voie leptine mélanocortine comme par exemple le gène leptine récepteur qui permet de ressentir la satiété et contrôle le métabolisme. La leptine dite « hormone de la satiété » qui régule les réserves de graisses dans l’organisme en créant la sensation de satiété, n’a donc plus d’impact au niveau cérébral lorsque son récepteur est muté. Les patients prennent donc du poids de manière irrémédiable dès l’enfance.
Il faut noter que la mise en place de règles hygiéno-diététiques n’est pas efficace sur la perte de poids dans ce type de pathologie. De même que les chirurgies bariatriques sont souvent décevantes avec une reprise pondérale post chirurgicale.
Les patients réunionnais atteints d’obésité monogéniques ont pu intégrer des essais cliniques ces dernières années avec l’objectif d’identifier des traitements médicamenteux efficaces. Grâce à une collaboration avec l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), un premier traitement par injection, le SETMELANOTIDE a montré des résultats prometteurs, permettant à plusieurs patients de perdre du poids. L’étude ObGeSema menée à la Clinique Omega de 2025 à 2027, a pour objectif d’évaluer l’efficacité du SEMAGLUTIDE pour les patients atteints d’obésité génétique.
Notre collaboration avec la Pr Christine POITOU (la Pitié-Salpêtrière) vise à vérifier l’impact du traitement non seulement sur le poids, mais aussi sur la santé cardiovasculaire, rénale et hormonale des patients. Elle vise ainsi à offrir une thérapeutique efficace la plus précoce possible et à mieux comprendre les prédispositions génétiques pour développer des stratégies de prise en charge personnalisées.
Dr Pascal Maurel